🔢 Introduction : un effondrement programmé
Depuis 2019, le Liban traverse l’une des pires crises économiques de l’histoire moderne. Comparable par son ampleur à la grande dépression de 1929 ou au krach argentin des années 2000, cette crise est le résultat d’années de mauvaise gouvernance, de corruption systémique, et de politiques monétaires illusoires.
La livre libanaise (LBP) a perdu plus de 98% de sa valeur. L’épargne des citoyens est gelée. Le pouvoir d’achat s’est effondré. Et les institutions publiques sont en état de mort clinique.
Cet article propose une plongée en profondeur dans les causes, les mécanismes et les conséquences de cet effondrement sans précédent.
🧱 Le système monétaire libanais : une illusion de stabilité
Pendant près de 25 ans, la monnaie libanaise était officiellement indexée au dollar :
1 USD = 1 507,5 LBP (taux fixe officiel depuis 1997)
Ce système était censé garantir la stabilité et la confiance. Mais il était artificiel : la Banque du Liban (BDL) le soutenait en aspirant les dépôts en devises et en soutenant le change à coup de réserves.
La réalité était qu’il n’y avait pas de production, pas d’exportations solides, et que le pays vivait à crédit, attirant les dépôts des Libanais de la diaspora avec des taux d’intérêt très élevés.
💲 Une pyramide de Ponzi à léchelle nationale
Ce montage Ă©tait une immense pyramide de Ponzi :
- L’État empruntait à la BDL
- La BDL empruntait aux banques commerciales
- Les banques empruntaient aux citoyens
- Le tout était masqué par une illusion de prospérité : banques luxueuses, consommation massive, économie rentière.
Quand les dépôts ont commencé à diminuer (notamment avec la crise syrienne, la baisse des transferts de la diaspora, la corruption rampante), le système s’est effondré sur lui-même.
🧵 La chute libre de la livre libanaise
Depuis 2019, la livre est passée de 1 500 à plus de 100 000 LBP pour 1 dollar sur le marché noir. Plusieurs taux coexistent :
- Taux officiel : longtemps resté à 1 507 (jusqu’en 2023)
- Taux Sayrafa (plateforme BDL) : taux flottant semi-contrôlé
- Taux du marché noir : celui utilisé dans la rue, par les commerçants
Le résultat est une opacité totale et un terrain propice à la spéculation.
🪙 Une inflation dévastatrice
L’inflation atteint des niveaux absurdes :
- Prix de l’essence multiplié par 10
- Coût des médicaments multiplié par 20
- Nourriture, scolarité, services de base : inaccessibles pour une grande partie de la population
Les salaires en livres libanaises n’ont pas suivi. Beaucoup de Libanais travaillent pour moins de 50 dollars par mois, voire moins.
🤦 Fonctionnaires, retraités : les grands oubliés
Les fonctionnaires libanais, payĂ©s en LBP, ont vu leur pouvoir d’achat s’évaporer. Enseignants, policiers, juges, mĂ©decins de l’hĂ´pital public… tous vivent aujourd’hui dans une prĂ©caritĂ© inĂ©dite.
Les retraités sont encore plus frappés : leurs pensions sont gelées en livres et valent parfois moins de 20 dollars par mois.
Les épargnants, notamment les personnes âgées, ont vu leurs économies bloquées dans les banques depuis 2019. Aucune loi claire n’a encore permis de régler leur sort.
⚡️ Une corruption endémique
La crise économique n’est pas un accident. Elle est le résultat direct d’un système politique corrompu, où :
- Les banques sont liées aux hommes politiques
- La BDL a été un outil de camouflage des déficits
- Les subventions ont été détournées ou mal gérées
- L’état ne produit aucun audit, aucun bilan fiable
Le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, est poursuivi en France, Suisse et Allemagne pour blanchiment d’argent. Mais il est resté en poste pendant toute la crise.
🌟 La vie quotidienne des Libanais : un cauchemar permanent
Depuis 2019, les Libanais vivent un effondrement lent et cruel :
- Coupures d’électricité à répétition
- Coûts du générateur privé à 200-300 dollars par mois
- MĂ©dicaments introuvables ou impayables
- Écoles qui ferment, profs qui abandonnent
- Jeunes qui partent en masse
La classe moyenne est rayée de la carte. Les riches se défendent. Les pauvres sombrent dans la misère absolue.
🚨 Une crise de confiance systémique
Plus grave encore que l’inflation ou la pauvreté, il y a une perte totale de confiance :
- Confiance dans les banques : disparue
- Confiance dans la monnaie : inexistante
- Confiance dans l’État : brisée
- Confiance dans la justice : illusoire
Le Liban souffre aujourd’hui d’une désintégration de son contrat social.
đź“‘ Les solutions ? Une longue route…
Plusieurs pistes sont sur la table :
- Accord avec le FMI (encore bloqué)
- Audit de la BDL et des banques
- Levée du secret bancaire
- Législation sur les « haircuts » (écrêtages) des dépôts
- Lutte contre la corruption
Mais aucune réforme profonde n’a encore été mise en œuvre. Le système politique bloque toute initiative.
👯️ L’exode massif et les fractures sociales
- Plus de 250 000 Libanais ont quitté le pays depuis 2019
- Les médecins, enseignants, ingénieurs fuient en masse
- Les familles se disloquent
- Les fractures sociales et communautaires s’accentuent
Le Liban se vide de ses cerveaux, de ses talents, de ses espoirs.
🧳 Conclusion : une crise anthropologique
La crise économique du Liban n’est pas seulement une question de chiffres. C’est une crise morale, culturelle, sociale. Un peuple entier est trahi par ses élites, abandonné par ses institutions, livré à lui-même.
La résilience libanaise est admirable, mais elle ne suffit plus.
Il faut une réforme radicale, un changement de paradigme, une révolution éthique. Sinon, le Liban ne s’en sortira pas.
La question aujourd’hui n’est plus : « Quand le Liban va-t-il sortir de la crise ? » Mais : « Le Liban peut-il survivre à son propre effondrement ? »