🔎 Introduction : un voisinage sous tension
Le Liban partage avec Israël une frontière terrestre de 79 km, délimitée de façon contestée depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Depuis cette date, les relations entre les deux pays sont officiellement inexistantes. Le Liban ne reconnaît pas l’État d’Israël, et considère juridiquement qu’il est en état de guerre avec lui.
Pourtant, l’histoire récente montre que la position libanaise est bien plus complexe et ambiguë qu’il n’y paraît. Si le discours officiel reste très hostile à Israël, des collaborations passées, notamment dans le Sud-Liban, ont existé entre Israël et certains groupes libanais.
Cette ambivalence reflète la fracture politique, communautaire et géopolitique au sein du Liban.
🔢 La position officielle du Liban
Le Liban ne reconnaît pas Israël. Cette position est inscrite dans sa législation :
- Il est interdit pour un citoyen libanais de se rendre en Israël, sous peine de poursuites.
- Toute forme de communication, de contact, de normalisation est prohibée.
- Les accords d’Oslo et les autres traités de paix israélo-arabes n’engagent pas le Liban.
Le Liban est également le dernier pays arabe à ne pas avoir signé de cessez-le-feu ou d’accord bilatéral avec Israël. Le soutien officiel à la cause palestinienne est constant, bien que variablement exprimé selon les gouvernements.
🌬️ Le Sud-Liban : une zone tampon, un champ de tensions
Le Sud-Liban est au cœur des tensions israélo-libanaises depuis des décennies. Trois épisodes majeurs ont structuré la relation conflictuelle :
✈️ 1. L’invasion de 1978 (opération Litani)
Israël pénètre au Liban pour éloigner l’OLP de sa frontière, provoquant des dizaines de milliers de déplacés libanais.
✈️ 2. L’invasion de 1982 (opération Paix en Galilée)
Israël occupe Beyrouth, chasse l’OLP, soutient l’émergence de milices locales et tente de créer un gouvernement pro-israélien. L’échec de cette tentative marque la naissance du Hezbollah.
✈️ 3. L’occupation du Sud-Liban (1985–2000)
Israël installe une « zone de sécurité » de facto, avec l’aide de la milice de l’Armée du Liban Sud (ALS), dirigée par Antoine Lahad. Cette milice libanaise, composée principalement de chétiens et de chiites anti-Hezbollah, collabore ouvertement avec Israël.
Israël ne se retire totalement du Sud-Liban qu’en mai 2000.
👷️ L’ALS : un lien controversé avec Israël
L’ALS fut un acteur ambigu du conflit. Soutenue financièrement, logistiquement et militairement par Tsahal, elle fut considérée par beaucoup de Libanais comme une force de collaboration.
Après 2000, plusieurs de ses membres s’exilent en Israël ou en Europe. D’autres sont arrêtés, jugés, ou s’exilent silencieusement.
Cette collaboration dérange la mémoire nationale libanaise. Elle illustre l’écart entre le discours officiel (anti-israélien) et les pratiques sur le terrain pendant la guerre.
🤝 La réalité des contacts officieux
Malgré l’absence de relations diplomatiques, des canaux indirects existent entre les deux pays :
- La FINUL, force des Nations Unies présente depuis 1978, joue souvent le rôle de médiateur entre les deux armées.
- Des négociations sur les frontières maritimes ont eu lieu en 2022 sous l’égide américaine. Ces discussions indirectes ont abouti à un accord d’exploitation du gaz en méditerranée.
- Certaines milices ou factions internes libanaises ont, à divers moments, communiqué ou négocié avec Israël, parfois à travers des pays tiers (France, Chypre, États-Unis).
💡 Un pays divisé sur la question israélienne
La position du Liban est aussi le reflet de ses clivages internes :
- Les chiites (Hezbollah) adoptent une position radicalement anti-israélienne.
- Certains chétiens (notamment dans les années 1980) ont vu dans une alliance tactique avec Israël une manière de se protéger de l’Islam politique ou de l’OLP.
- Les sunnites, historiquement proches de la cause palestinienne, se montrent prudents et dépendants du contexte régional.
Ces divisions nourrissent l’absence de politique unie sur le sujet, et expliquent les oscillations du discours politique.
🌠 Le Hezbollah : acteur central du front anti-israélien
Depuis les années 1990, le Hezbollah est devenu le principal protagoniste de la résistance contre Israël au Liban.
- Soutenu par l’Iran et la Syrie, il a réussi à imposer un discours de résistance nationale, malgré son identité chiite.
- Il revendique la libération du Sud-Liban en 2000.
- En 2006, il affronte Israël dans un conflit majeur de 33 jours, provoquant destruction et polarisation.
Aujourd’hui, le Hezbollah continue d’utiliser la question israélienne comme pilier de sa légitimité militaire sur le territoire libanais, ce qui entraîne un conflit avec les partisans de l’État central.
🔔 L’opinion publique libanaise : entre solidarité et fatigue
- Une large partie de la population reste solidaire des Palestiniens et opposée à la normalisation avec Israël.
- Mais beaucoup expriment aussi une lassitude : les conflits armés, les tensions dans le Sud, les crises économiques ont épuisé la société.
- La jeunesse, notamment, aspire à des politiques plus pragmatiques, tournées vers la reconstruction et la souveraineté.
🕵️♂️ Conclusion : un positionnement piégé et durablement fracturé
La position du Liban sur Israël est le reflet de plusieurs lignes de fracture :
- Entre discours officiel et alliances passées
- Entre communautés religieuses
- Entre géopolitique régionale et intérêts nationaux
- Entre mémoire de guerre et volonté d’avenir
Tant que ces contradictions ne seront pas traitées, le Liban restera dans une posture hybride, ni pleinement pacifié, ni totalement cohérent.
Comprendre cette complexité est essentiel pour quiconque souhaite aborder la question israélo-palestinienne sans simplisme. Car le Liban, plus qu’aucun autre, en incarne la profondeur, la douleur, et les ambivalences historiques.