Le Liban, montagne-refuge : histoire d’un peuple tissé par les vents de l’exil

Introduction

Le Liban. Quelques centaines de kilomètres de long, une fine bande entre mer et montagne, enclavée entre la Syrie et la Palestine historique. Un pays si petit qu’on pourrait le traverser en une journée. Et pourtant, quel poids dans l’histoire humaine ! Le Liban, c’est un monde en miniature. Une terre de cultures croisées, d’exils et de rencontres. Une terre où l’on ne conquiert pas, mais où l’on se pose, où l’on survit, où l’on crée.

Depuis les Phéniciens jusqu’à nos jours, le Liban n’a jamais cherché à imposer un empire par la force. Il a choisi d’influencer par les arts, le commerce, la culture. Façonné par une géographie exigeante, il est devenu refuge de minorités opprimées. Il est le pays des montagnes, où l’on se protège, et des ports, par lesquels on rayonne.

I. Des origines antiques : les Phéniciens, premiers navigateurs de la paix

Bien avant les frontières modernes, bien avant même l’arrivée des grandes religions monothéistes, une civilisation brillante émerge le long des côtes du Levant : les Phéniciens. On les appelle les « peuples de Canaan », et ils vont bâtir les premières cités portuaires prospères de la méditerranée : Byblos, Sidon, Tyr.

Les Phéniciens ne sont pas des conquérants. Leur pouvoir ne vient pas de la guerre mais du commerce maritime. Ils inventent un alphabet, ancêtre direct du nôtre, facilitant les échanges culturels et commerciaux. Ils exportent leur pourpre, leur bois de cèdre, leur artisanat. Ils fondent Carthage. Leur empire est fait de routes maritimes, de comptoirs, d’idées.

« Nous ne sommes pas un peuple de terre, nous sommes un peuple de vagues » aurait dit un marchand de Byblos selon la tradition.

Derriere leurs villes : la montagne. Devant : la mer. Dès l’origine, le Liban est un pays de seuil, une charnière, un refuge.

II. Le refuge par la hauteur : la montagne comme havre des minorités

Le relief du Liban est une épine dorsale : la chaîne du Mont Liban court du nord au sud, culminant à plus de 3 000 mètres. Elle forme une barrière naturelle. Une cache. Un sanctuaire.

Dès l’Antiquité tardive, des groupes opprimés viennent s’y réfugier. Les Maronites, chrétiens d’Orient, s’installent sur les hauteurs au VIIe siècle, fuyant les pressions byzantines, puis les califats musulmans. Ils y bâtissent monastères et villages, sculptent des terrasses, créent une communauté repliée mais vivante.

Les Druzes, minorité chiite issue d’une branche ismaélienne, trouvent refuge dans le Chouf au XIe siècle. À l’écart du monde, ils protègent leur doctrine secrète. Les Chiites se regroupent dans la Bekaa et le Sud, souvent marginalisés. Au XXe siècle, les Arméniens chassés par le génocide ottoman trouvent à Beyrouth et Anjar une nouvelle patrie. Les Palestiniens, puis les Syriens, poursuivront ce cycle d’accueil contraint.

La montagne libanaise devient le refuge de ceux que l’Histoire bouscule. Ce n’est pas un hasard, mais une logique géographique et politique. Les hauteurs offrent la difficulté d’accès, la fraîcheur, la réserve. Elles forgent l’autonomie, le respect du groupe, la nécessité de la solidarité.

« Chez nous, la vallée c’est la mémoire, la colline c’est la protection, la montagne c’est la foi », dit un proverbe maronite.

III. Une société sans centre : la force du pluralisme

Cette multiplicité de groupes, installés par vagues dans des régions distinctes, a donné au Liban une organisation unique. Il n’y a jamais eu de pouvoir central fort. Tout est partage, négociation, compromis.

Le communautarisme libanais, souvent critiqué, est aussi ce qui a permis à ces minorités de coexister. Prêtre, imam, cheikh : chacun a sa place dans le tissu social. La république libanaise reconnaît 18 confessions. Chaque citoyen appartient à l’une d’elles. C’est un modèle fragile, mais aussi une méthode de paix.

Dans les villages, les fêtes se croisent : on décore pour Noël, on partage les gâteaux de l’Aïd. Les mariages intercommunautaires sont rares mais pas inexistants. Beyrouth, ville sans équivalent, mixe les codes : une rue porte le nom d’un poète sunnite, une autre d’un héros arménien, une troisième celui d’un patriarche.

IV. Commerce et diaspora : l’intelligence du lien plutôt que la force

Là où d’autres peuples ont construit leur puissance sur l’armée, le Liban a bâti la sienne sur le commerce. Depuis les marchands phéniciens jusqu’à la diaspora d’aujourd’hui, le Libanais vit dans l’entre-deux : entre la maison et le monde.

« Mon oncle est au Brésil, mon frère à Abidjan, mon cousin à Paris. Moi je suis ici, mais je parle avec eux chaque jour », dit Ahmad, vendeur à Saida.

La diaspora libanaise représente plusieurs millions de personnes à travers le monde. Ils sont commerçants, restaurateurs, artistes, banquiers. Ils envoient de l’argent, font rayonner la culture libanaise, et souvent reviennent.

Cette intelligence du lien, du réseau, a permis au Liban de survivre aux crises internes. Car s’il est petit par la taille, il est immense par ses ramifications.

V. L’art, la culture, la mémoire : armes de l’esprit

Lorsque la guerre fait rage, quand les armes parlent, les Libanais répondent par la chanson, la peinture, la parole.

Fairouz, voix de l’aurore, chante le pays dans sa douleur et sa beauté. Khalil Gibran, fils du Nord, écrit Le Prophète en exil. Amin Maalouf, né à Beyrouth, raconte la complexité des identités dans Les identités meurtrières.

Le Liban est une forge poétique. La résistance y est subtile, ironique, artistique. Les théâtres de Beyrouth avant la guerre accueillaient les pièces les plus audacieuses du monde arabe. Aujourd’hui encore, des collectifs réinventent l’engagement par l’image, la cuisine, le récit.

« On ne peut pas bombarder une chanson. On peut interdire un livre, mais pas éteindre ce qu’il allume » disait une journaliste de L’Orient-Le Jour.

VI. Guerres, drames, renouveaux : une mémoire difficile mais vivante

Le Liban a connu l’horreur. La guerre civile (1975-1990) a déchiré les confessions, fracturé les villes, provoqué l’exil de centaines de milliers de personnes. Les milices se sont affrontées, les alliés d’hier sont devenus ennemis. Et pourtant, le pays a tenu.

En 2020, l’explosion du port de Beyrouth ravage une partie de la capitale. L’émotion est mondiale. Mais dans les décombres, les jeunes repeignent, nettoient, reconstruisent. Ils chantent dans les ruines. Ils racontent.

Le Libanais ne veut pas oublier. Il ne le peut pas. Mais il transforme la mémoire en ressource. En avertissement. En promesse.

VII. La montagne comme symbole : entre enracinement et ouverture

Le cèdre du Liban est plus qu’un arbre. Il est un manifeste. Il pousse lentement, haut, droit. Il résiste au vent, au temps, aux hommes.

Dans les villages perchés, la nature est rude mais nourricière. On y apprend l’effort, la foi, la transmission. La montagne a fait du Libanais un être de défi. Mais pas contre les autres : contre l’oubli, contre la haine, contre l’effacement.

« Ici, même les pierres ont une mémoire », dit une vieille femme du Akkar.

La montagne est à la fois fermeture et ouverture. Elle isole, mais préserve. Et par les vallées, on s’ouvre à l’autre. C’est tout le paradoxe libanais : l’hospitalité n’y est pas une politesse, mais un mode de survie.

Conclusion

Le Liban est une exception. Il n’a pas colonisé, il n’a pas dominé. Mais il a inspiré, ému, touché. Par sa géographie, il a été terre d’asile. Par son histoire, il est devenu terre de résistance culturelle. Par sa diaspora, il est devenu mondial.

Il est blessé, souvent. Mais vivant. Et tant que ses montagnes tiendront, tant que ses ports existeront, tant qu’un enfant y apprendra une langue, un plat, une chanson : le Liban vivra.

Et nous, avec lui.

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