Ils sont les fils et les filles du désir de Vie.
Ils viennent à travers vous mais non de vous,
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez abriter leurs corps mais non leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain,
que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière,
ni ne s’attarde avec le passé.
Vous êtes les arcs par lesquels vos enfants,
comme des flèches vivantes,
sont projetés.
Khalil Gibran
✨ L’enseignement de Gibran : Aimer sans posséder
Dans ce poème tiré de Le Prophète, Khalil Gibran nous invite à repenser radicalement la parentalité. Il affirme, de manière provocante mais poétique, que nos enfants ne nous appartiennent pas. Et cette affirmation est loin d’être une rupture d’amour — c’est, au contraire, un appel à l’amour véritable, celui qui libère.
🧭 1. « Ils viennent à travers vous mais non de vous »
Gibran souligne que les enfants passent par nous, mais ne sont pas notre création dans un sens absolu. Ils ne sont ni une propriété, ni une extension de notre ego, ni un projet personnel à modeler.
Ils sont des êtres uniques, porteurs d’un élan de vie qui leur est propre. Et ce souffle, ce mouvement intérieur, ne peut être contrôlé ni dirigé.
💭 2. La pensée libre : « Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées »
Cette phrase est essentielle : Gibran nous dit que l’amour parental ne doit pas être une mainmise sur l’esprit de l’enfant.
Cela peut déranger, surtout dans un monde où l’on veut souvent « bien faire » pour nos enfants : leur éviter les échecs, leur tracer le « meilleur » chemin, leur transmettre nos idées, nos blessures, nos ambitions.
Mais Gibran nous rappelle que l’enfant a ses propres pensées, son propre destin — et que notre rôle est de l’accompagner, non de le formater.
🏛️ 3. Les âmes dans la maison de demain
Cette image est sublime : les âmes de nos enfants habitent la maison de demain. Autrement dit, ils appartiennent à un monde qui n’est pas encore le nôtre, un avenir que nous ne pouvons pas totalement comprendre.
Cela implique une forme d’humilité parentale : nos références, nos valeurs, nos peurs, sont parfois déjà dépassées. L’enfant est le porteur d’un futur qui nous échappe.
🏹 4. L’image de l’arc et de la flèche
L’enfant est une flèche vivante. Le parent, lui, est l’arc. C’est une métaphore magistrale :
- L’arc donne l’élan,
- Mais c’est la flèche qui choisit sa trajectoire.
- La tension, l’effort, le soin… c’est notre rôle. Mais une fois lancé, l’enfant suit sa propre direction.
On est là pour donner la force, la confiance, l’ancrage — mais non pour contrôler la destination.
🛡️ 5. Et aujourd’hui ? L’écho du poème dans une époque de surprotection
Nous vivons à une époque où les enfants sont souvent :
- Surprotégés,
- Sur-sollicités,
- Surencadrés.
Par amour, bien sûr. Mais aussi par peur.
Peur de l’échec, peur de la souffrance, peur du monde.
On encadre, on sécurise, on organise tout : activités, notes, avenir.
Mais à force de vouloir tout baliser, on étouffe la spontanéité, la liberté d’être, la capacité à tomber, à chercher, à devenir.
Ce que Gibran nous propose, c’est un lâcher-prise lucide et aimant.
Laisser l’enfant vivre, se tromper, choisir, explorer.
L’aimer profondément, mais sans l’enfermer dans nos projections.
💬 En résumé : quel est le message de Gibran aux parents (et futurs parents) ?
Aimer, soutenir, élever — mais ne jamais posséder.
Accueillir la vie qui passe à travers l’enfant, et non chercher à l’arrêter ou la façonner.
Être un guide, un refuge, un arc — mais pas un maître.
Ce texte, d’une modernité saisissante, est une leçon de sagesse intemporelle, dans une époque où le contrôle est devenu réflexe.
Il nous rappelle que la vraie parentalité est un acte d’amour et de liberté.